J’avais
été saisi d’impressionnisme au spectacle de ces muscles bandés sous la sueur à
fourcher les glanes en meules où les brindilles de la paille entassée étincelaient
comme autant de brefs coups de pinceaux jetés par ces peintres de la
Nature reproduisant en vrai les tableaux de Monet :
je décida d’en faire autant dans mon labo photo
en triturant comme il faut et comme une faux la lumière et le temps
d’exposition. (voir l’expo « Travaux des champs d’impression » jeroboamlagence.blogspot.com)
L’été
fini, j’entendis un de ces laboureurs désœuvrés de tous ces travaux des champs
s’échiner, encore et toujours, parce que c’est dans leur nature ; ça provenait
d’au-delà la couronne de brume automnale qui cernait ce mamelon du Puy, vers
l’étendue boisée qui en formait la touffe sommitale, tout en châtaigniers,
palombières et autres recoins à cèpes à rassasier toute une assiettée de ces
travailleurs de la terre ; et même tout un plat :
je décida au bout d’un moment passé à l’arrêt,
réflex en main, d’aller capturer sur le plan-film cette proie sonore encore inconnue
à mes oreilles pourtant déjà pas mal éduquées au spectacle de cette première
saison des récoltes écoulée.
Je
fus saisi, encore plusss que par les meules, par cette puissante mâchoire
d’acier aussi incongrue qu’un Tigre-Sabre préhistorique feulant toujours sa
sauvagerie au deuxième millénaire après J.C. ; dans ce trou de verdure
tout récemment essarté, comme un fauve affamé elle pinçait −comme pour s’assurer
qu’elles étaient bien mortes− les grumes allongées dans le fossé avec deux
points rouges à leur côté : c’était la marque de la scierie du coin qui, sans
vergogne, dévorait la forêt et amassait ses prises sur la longue remorque de
son camion-corbillard ;
Strangulé
par une immense révulsion mêlée de bile et de révolte pour ces pauvres arbres-êtres
abattus sans avoir même pu s’enfuir, vicieusement piégés par LE prédateur
ultime −on
croit qu’on peut tranquillement prendre racine et réchapper dans cet Eden au
choix cornélien qui s’impose à tout être vivant, plus beau tu pousses et tu grandis,
plusss sûre, plusss dure sera ta chute− paisiblement ils fructifiaient, ombrageaient et
humusaient au mieux dans la contrée magique, tels de majestueux pachydermes aux
jambes gigantesques et immobiles d’une infinie insouciance, quand, par un matin
tôt et froid d’Octobre, ils devinèrent, à l’envolée sauve-qui-peut de tous
leurs petits amis ailés, oui ils surent que c’en était terminé des petits-déjeuners en paix ; à la sale gueule de
cette volée d’oiseaux de mauvais augures tout casqués d’orange-chantier et
plumes de grand-chef tronçonneur qui s’abattait sur eux, ils ne purent qu’hurler
leur mal et toute leur incompréhension : « Ouaille ! pourquoi
t’aimes scier ?!?? » ; ça déchire ! ça fend le cœur !
je tira je m’souviens deux trois clic-clac par
réflex, (j’en avais deux autour du cou), pas plusss tellement sous le choc, et
bientôt les larmes du deuil cédèrent le coin de l’œil à la vengeance
artistique.
Plusss
tard, j’appris que sur les lieux-mêmes de ce pogrom, un bûcheron trop sûr de
lui se fit prendre la jambe par un tronc brave et sans peur défendant ses
petits et ses frères d’infortune : Sylver Star pour ce
héros-martyre, mon image « Le Bois mord » était déjà
tirée en 40x50 et en 120x70, il ne me restait plus qu’à la marier avec ce
peau-aime plutôt peau-haine « à ma Zonie, à ma Zonarde »,
en dédicace à tous ses compagnons les arbres et, singulièrement, à toute une
bande d’entre eux qui sont un des poumons de cette foutue planète foutue.
Je marcha désormais pour les troncs d’arbres, en
évitant l’étron d’homme.
En
2002, encadré par moi-même façon chaîne de tronçonneuse (énormes dents-crocs −15cm de haut− de chaîne Stihl en PVC autocollant
alternativement argent brillant et noir mat) je prêta mon grand format (120x70)
à Mme Catherine Bottais, Directrice du centre de formation
Art&Communication à Rouen pour lui démontrer qu’on pouvait faire plusss et
mieux à la main et à l’argentique qu’avec n’importe quel Photoshop dont elle
faisait profession d’enseigner le maniement :
Elle ne me l’a jamais rendu, il n’est
plus accroché dans son bureau, un jour elle a prétendu qu’on lui avait cambriolé
(!), tous les deux-trois ans quand je passe devant sa putain de devanture je
réclame mon bébé, mais rien n’y fait, blackout total, absolu mépris du père de
l’œuvre, rien à foutre de la lutte arbrée :
si vous le voyez, prévenez tout de
suite la Police et alertez JÉROBOAM, L’Agence,
ne tentez rien par vous-même l’individue est bancale d’aplomb et de morgue
(excepté si vous êtes huissier ou avocat)
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